Bonjour, mon nom est Edwige Blackmore, je suis une garce, j'ai pas d'amis et j'en veux pas.
Enfin ça, c'est ce que je veux laisser croire.
Je pense être une personne normale. Une fille faible qui râle, qui a la flemme de tout, qui pleure en mangeant de la danette au chocolat. Oui c'est ça. Je suis banale. Nulle. A chier. Je suis incapable de lécher mon coude, je sais pas viser, j'ai deux pieds gauches et j'ai tendance à ne plus vouloir me relever une fois que je tombe sur le cul.
Je suis une prof faiblarde qui a peur d'être dominée.
Je suis trop gentille. J'aime les sucreries, je suis influençable et en plus tout le monde me dit que je suis trop maïve. Je suis incapable de résister à une âme en détresse.
Pourquoiiii ?
Mais ça, il faut que personne le sache. Parce que c'est trop la honte. Et que moi la honte j'aime pas ça. J'ai toujours tendance à me taper l'affiche, même si j'ai pas envie. Alors au lieu de pleurer lamentablement et de me dire "pourquoi ça n'arrive qu'à moiiii ?" -qui est d'ailleurs une question bien trop terrifiante à poser- ; et bah je fuck le monde.
Ouais moi je suis une rebelle.
Je vous crache à la tête. Je me met en mode Tomb Rider solitaire et stylée qui maîtrise parfaitement la situation.
Je me vautre en salle de cours ? C'était prévu bien sûr. Et le premier qui me contredit, je lui ferme le clapet à ma façon.
Avec des scoops bien sûr.
Ce pouvoir est bien étrange. Il change selon mon humeur et ma fatigue. Si je sors du pieu, le seul truc que je pourrai entendre serait le chuchotis du concierge qui ronfle la nuit. Alors qu'en forme, je peut même découvrir un truc au moment où ça se passe. News fraîches.
Si vous ne me connaissez pas, je vous fais la misère.
Et jamais je vous montrerai mon vrai visage.
Et puis ... et puis ... euh.
Je vous emmerde ?
Chapter I : Hi dude.
On dit que l’enfance c’est la plus belle période d’une vie. La plus douce. Celle qu’on regrette le plus une fois adulte. Je n’ai pas l’impression d’être tout à fait adulte, mais mon enfance ne me manque pas. Certainement pas.
Mon nom est Sarah Edwige Blackmore. Je suis née de l’union d’ Isabella Westwood, deuxième plus grande fortune du pays et d’Arthur Blackmore, journaliste audacieux. Union qui dura trop peu longtemps à mon goût.
J’avais 6 ans quand ma mère a viré mon père du manoir en lui disant de m’emporter au passage. Je n’avais pas compris à ce moment là. Et même maintenant, je suis paumée. Comment des êtres qui pouvaient tant s’aimer s’étaient-ils mis à se détester à ce point ? Oui, ma mère détestait mon père. Et par la même occasion, elle me haissait aussi, moi, le portrait craché de mon géniteur.
On a donc été chassés de la vie de luxe et de bourgeois qui nous avait été offerte, et on s’est retrouvés dans un appartement pisseux de Londres, qui sentait la cigarette et le moisi. J’ai quitté l’école d’élite pour me retrouver parmi les gens normaux qui me paraissaient si alors si repoussants.
Et vous savez bien comment ça se passe. Dans les cours de récré, il y a toujours une personne nouvelle qui effraye, ou qui sert de bouc-émissaire. Surtout quand on arrive au collège, période sensible d’adolescents boutonneux. Et bien il a fallu que ça tombe sur moi. J’aurais pu me laisser faire comme une chiffe molle. Mais je n’étais pas comme ça. Et tout ça me saoulait vraiment. Je me suis mise à me battre, en mordant et griffant ceux qui s’en prenaient à moi. J’ai été catégorisée violente, et mon père a fait de nombreux allers-retours chez la directrice.
« Ce n’est pas étonnant, elle n’a pas de mère, cette pauvre petite » - piaillait sa bouche rouge écarlate
C’était le genre de phrase qui me foutait la gerbe, ou qui me donnait envie de crier au monde un tas d’insanités .
Bordel bordel bordel.
J’avais une mère bordel.
C’était peut être une garce qui ne m’avais jamais aimée, mais c’était une mère quand même.
J’intégrai bien vite le groupe des cas sociaux, dans le but inconscient de trouver ma valeur. Et bien oui, quand on est entourée de filles qui montrent leurs pêches à l’air ou de gosses drogués, on se sent tout de suite distinguée et exemplaire. Trainer avec des cas était le seul moyen de survie de mon égo.
Alors oui, je fumais à 14 ans, je me bourrais la gueule, et j’enchaînais les petits amis boutonneux.
Alors oui, ça n’a pas plus à mon père. Je me souviens du jour où je suis rentrée d’une après-midi séchée. Mon père était assis dans son fauteuil, et il m’attendait. Aïe. Un père qui loupe son match de tennis pour attendre sa fille, ce n’est pas bon signe. Quand j’ai passé le pas de la porte, il s’est contenté de me regarder de haut en bas avant de dire :
-T’as maigri ma chouette.A ce moment là, ta tête se remplit de trucs du genre « WTF ? C’est une blague ? » parce que tu ne t’attendais pas du tout mais du tout à ça. Toi tu croyais qu’il allait péter un câble. Mais non. Mon père ne se contentait pas de se moquer du putain de prénom de volatile qu’il m’avait donné. Mon père était bien pire que ça.
Concernant ma ligne, il avait parfaitement raison. Quand je passais devant le miroir le matin, je prenais soin de ne pas me regarder. Parce que j’avais l’impression d’être une de ces droguées anorexiques qu’on voit dans les films, à la Millenium.
-Peut être. Et alors ?-Tu ressembles à ta mère, comme ça.Et voilà. PAN. Voilà, une insulte en plein dans la tronche, le truc que je ne voulais absolument pas qu’il me dise. Heureusement qu’il était le seul à savoir et à pouvoir utiliser l’argument maternel contre moi.
-McDo ce soir ?-McDo.On s’était souris, et puis moi, j’avais bien compris que j’étais en train de déconner. Ouais. Mon père il a pas besoin de gueuler sur moi pour que je comprenne.
-En fait, la prochaine que tu sèches, je publie dans le journal les photos de toi quand tu faisais encore dans des couches.Et je crois que c’est encore pire.
Chapter II : And my life changed.
« Mrs Jones a une liaison avec le médecin »
« Le voisin d’en dessous est celui qui a tué le chat de Mrs Hudson. »
« Tu veux sortir avec moi ? OWIII »
« La petite Sarah couche avec un homme plus âgé ».
Je sursaute à la mention de mon nom. Les ragots défilent dans mon crâne, me donnant la chair de poule.
Je m’appelle Sarah Edwige Blackmore, j’ai 17 ans. Il s’est passé tout un tas de truc dingue depuis la dernière fois où j’ai eu à écrire de moi.
Notamment la découverte d’un pouvoir étrange qui est apparu d'un coup, sans prévenir. J'étais en train de me promener dans la rue, quand une clé est apparue dans ma main. Et d'un coup j'ai senti un flot de paroles rentrer dans ma tête, me donnant l'envie de taper celle-ci contre les murs. Bizarrement, je suis capable d’entendre les rumeurs et les ragots dans un périmètre de deux kilomètres autour de moi, à la seconde près au ça se dit ou ça se passe. Grosso modo. Ainsi, je suis au courant 24h/24h de presque tous les scoops de Londres.
Et ça fait mal au crâne.
- Qui c’est qui va avoir une migraine carabinée ? -C’est ma pauvre Dwige chérie ♥Avait répondu mon père, me flanquant une frousse de tous les diables. Je ne l’avais pas entendu s’approcher, comme je ne l’entendais plus depuis ce jour où ma vie a complètement changé.
Ca n’a rien à voir avec cette histoire de scoops, loin de là. Et si j’avais eu pour seul châtiment le fait de connaître la vie privée des gens, je m’en serai tranquillement contentée.
Ca s’était passé il y un an à peu près, alors que je rentrais en première L au lycée. Ce matin là, mon père normalement surchargé par son travail journalistique avait tenu, exigé, harcelé pour m’emmener en cours. J’avais cédé. Et puis bon, ce n’était pas comme si je ne passais pas souvent de moments avec Papa.
Puis vint l’accident.
Trop rapide et trop bref pour ma mémoire brumeuse. Le seul souvenir que j’en ai gardé, c’est l’expression terrifiée de l’homme au volant du taxi qui nous rentrait dedans.
Le seul souvenir que j’en ai gardé, c’est une immense balafre sur ma poitrine. Et c’est le glissement sournois du fauteuil roulant de mon père sur le parquet.
J’ai beaucoup pleuré, hurlé et repleuré après l’accident. Pour mon père qui ne pourrait plus jamais courir ou me prendre dans ses bras. Et puis pour mon égoïste personne, dégoûtée par son reflet dans le miroir. Ca aurait pu être pire m’avait-on dit. J’aurais pu être blessée au visage. Je devais m’estimer heureuse de n’avoir eu qu’une seule grande cicatrice sur mon poitrail. Et puis juste des petites traces de coupures un peu partout.
En fait, ce n’est pas pour ça que j’ai pleuré.
Pas seulement pour ça.
J’ai pleuré parce que quand je me suis réveillée à l’hopîtal, désorientée et affaiblie, la première chose que j’avais vue était une femme maigre, aux longs cheveux blonds. Cette femme dont j’avais cru me débarrasser pour de bon de ses souvenirs.
Maman.
A mon chevet.
L’air totalement agacée. Comme si elle ne voulait pas être là. Bien sûr qu’elle ne voulait pas être là.
Et puis il y a avait quelqu’un d’autre, une petite fille belle à couper le souffle.
-Bonjour soeurette ♥Sa voix avait résonné dans la chambre, comme un tintement de clochette. Moi, j’étais restée bouche-bée devant ce petit ange blond qui m’avait sourit. Une sœur ? Demi-sœur. Mais qui ressemblait tellement à Maman que l’on ne pouvait passer de l’une à l’autre sans l’impression d’avoir à faire à la même personne.
-On a parlé de l’accident à la télé, et Angélique voulait absolument te voir alors …Alors même si le fait de me voir te donnait l’envie de gerber, tu avais cédé au caprice de la dite Angélique ? Un bref coup d’œil aux yeux azurés du petit ange suffit à m’en dire long sur sa personnalité. Pourrie. Gâtée.
Et pourtant si jolie et adorable.
Quelque chose m’étais revenu soudainement à l’esprit, comme un coup de tonnerre, et m’avait clouée sur place:
-Papa ?-Il est vivant. Mais pas en très bon état.Le ton dédaigneux de cette femme m’avais donné envie de lui cracher à la face. Et d’ailleurs, je l’aurais fait si tous ces fils ne me barraient pas le passage. Elle le prenait pour qui ? Pour quoi ? On aurait dit qu’elle parlait d’un vulgaire paquet ! Serrant les dents je lui avais répondu :
-C’est-à-dire ?-Je ne sais pas. Et je m’en fiche.Là s’était arrêtée notre conversation. Plus de dix ans que je ne l’avais pas vue.
Angélique quand a elle avait promis de m’écrire.
Et elle a tenu sa promesse. Et elle devint vite mon enfer personnel.
Angélique était tout ce que j’aurais du être, tout ce que j’avais rêvé d’être quand j’étais en train d’être aspirée par le fond. Elle était adorable. Mais je la détestais pour ça.
Maintenant, Papa est habitué à son fauteuil roulant. Et il continue tout de même d’écrire des articles.
Il veut que je devienne journaliste moi aussi. Avec un pouvoir pareil.
Mais je ne veux pas faire ça.
Moi je veux dire aux enfants qu’ils ne répètent pas mes erreurs. Je veux les mettre dans un chemin où ils n’auront pas à souffrir.
Et donc j'ai décidé de faire des études pour devenir professeur.
Surprenant hein ?
Le jour où j'ai eu mon CAPES, je me suis dit que c'était fini, que tout allait changer.
Oh oui ça allait changer.
La clé que j'avais gardé jusque là précieusement sans me poser de question se mit à briller. Et comme attirée par une âme soeur, elle se retrouva devant un magnifique établissement à grille, qui vous coupait le souffle.
Goddess Key.
Ainsi, j'allais donc enseigner ici.
O mon dieu.